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L'organisme qui attribue les adresses internet dans le monde a adopté,  jeudi 10 mars, un plan prévoyant son indépendance  en quittant le giron américain et optant pour un modèle de gestion plus transparent.

A l'issue d'un Congrès tenu à Marrakech (Maroc), l'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) a adopté une nouvelle charte après deux ans de négociations qui la dote d'une direction pluripartite non-gouvernementale.

Avant de rentrer en vigueur, cette nouvelle organisation devra toutefois être approuvée par les autorités américaines après un examen qui devrait durer environ trois mois.

"L'atmosphère ici est un mélange d'exaltation et d'épuisement", a confié le président du Conseil d'administration de l'ICANN, Stephen Crocker, dans des déclarations faites à l'AFP avant le vote.

"Nous avons travaillé sur la réforme de la gouvernance interne de l'ICANN avec la volonté de couper le cordon ombilical avec le gouvernement américain, estimant que l'internet est désormais suffisamment mûr pour être autonome", a affirmé pour sa part Mathieu Weill, directeur général de l'Afnic (Association française pour le nommage Internet en coopération).

"Le conseil d'administration sera rééquilibré avec une sorte d'assemblée générale qui représentera la diversité des acteurs, où toutes les parties prenantes seront présentes, société civile, associations, chercheurs, professionnels et gouvernements", a-t-il ajouté.

"Nous avons fonctionné jusqu'à présent en fonction d'un double arrangement: Satisfaire le gouvernement d'un côté et la communauté de l'internet de l'autre", a expliqué M. Crocker.

"Il y avait des points d'accrochages pas très visibles entre les deux, et je pense que nous allons être beaucoup plus transparents maintenant dans notre fonctionnement", a-t- il  ajouté.

"Le principal changement qui en résulte est le renforcement du principe de l'Etat de droit. Auparavant, les décisions étaient prises par le gouvernement américain, désormais le conseil d'administration devra rendre des comptes. Il y aura une Cour d'appel qui pourra  siéger en cas de litiges sur ses décisions, et l'AG aura la possibilité de démettre le conseil si ce dernier s'éloigne trop des statuts de l'ICANN, comme cela a pu se produire par le passé", a  renchéri  Mathieu Weill.

Agent de la circulation

Pour les utilisateurs, le changement après septembre (2016) devrait être invisible. Le financement de l'organisation continuera de venir de contrats signés avec les propriétaires de noms de domaine et d'annuaires électroniques.

L’américain Fadi Chehadé,  qui dirigeait jusqu'à présent l'ICANN et va être remplacé par le suédois Göran Marby, estime que la nouvelle organisation sera plus rassurante pour les utilisateurs, les entreprises et les gouvernements, même si le rôle du gouvernement américain se limitait à la surveillance des procédures en place, comme un "agent de la circulation", selon ses propres termes. "Les gens ont exagéré le rôle du gouvernement américain dans ce que nous faisons", avait-il confié il y a  quelques mois, lors d'un entretien.

Ce sont les autorités américaines elles-mêmes qui avaient annoncé il y a deux ans leur intention de se défaire de leur rôle dans la gestion d'ICANN, créé à la fin 1998, et d'opter pour un modèle pluripartite placé sous la responsabilité d'un conseil d'administration.

"Nous avons mis en place  un processus très solide qui assure à ce conseil son indépendance et l'empêche de tomber sous la coupe de gouvernements », assure M. Chehadé. L' ICANN aura notamment des procédures d'appel plus faciles, pour contester des décisions, voire même changer les membres de son conseil, même si ses décisions se feront sur la base du consensus.

Mais il s'attend toutefois à des demandes d'auditions du Congrès américain, certains parlementaires estimant que les Etats-Unis ont abandonné le contrôle de l'internet qui serait maintenant en danger d'être contrôlé par d'autres gouvernements.

« L'ICANN a fait la preuve de son indépendance depuis de nombreuses années. Cela a toujours marché et nous le reconnaissons aujourd'hui. Nous mettons fin au rôle symbolique du gouvernement américain", a affirmé  Fadi Chehadé.