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En s'alliant au groupe de Silvio Berlusconi en Italie, Vincent Bolloré entend pousser les pions de Vivendi en Europe du sud et dans tout le monde " latin ", avec une stratégie s'appuyant sur deux piliers: les médias et les télécoms.

L' "accord stratégique ", annoncé le vendredi 8 avril par Vivendi et Mediaset, passe par un échange de participations croisées de 3,5% avec le groupe des Berlusconi et fait passer la filiale de TV payante Mediaset Premium dans le giron de Vivendi.

" Les opportunités de croissance externes étaient très limitées en Europe, Mediaset était l'une des seules cibles accessibles. Elle contrôle notamment Mediaset Premium, la filiale de TV payante qui est comme la petite sœur de Canal+ ", explique une source proche du dossier.

L'alliance avec Mediaset, représente " une accélération très claire du projet 'latin' de Vivendi ", souligne l'analyste médias de Natixis Jérôme Bodin.

" Le groupe dispose ainsi de tous les leviers pour, d'abord, créer un opérateur intégré en Italie (télécoms/médias) ", grce à sa participation de 24,9% dans Telecom Italia, et " ensuite viser à terme un rapprochement avec Telefonica ", relève-t-il.

Vivendi fait le pari que la distribution de contenus va de plus en plus passer par les opérateurs de télécoms qui ont des bases d'abonnés conséquentes, d'où cette stratégie de convergence.

" Les synergies entre Mediaset Premium et TI peuvent être potentiellement importantes. Notamment car la pénétration de la TV sur internet (IP) est pour le moment très faible en Italie. TI pourrait ainsi créer une offre de référence dans la TV payante qu'il proposerait à ses abonnés internet mais aussi via la TNT ", ajoute Jérôme Bodin.

Pour parvenir ensuite à un rapprochement avec Telefonica, dont il possède aujourd'hui 1%, Vivendi pourrait obtenir une cession de la participation de TI dans TIM Brazil, alors que le groupe est aujourd'hui en concurrence avec l'opérateur espagnol sur le marché brésilien. Le départ du PDG de Telecom Italia Marco Patuano, qui s'y était opposé, remplacé par une personnalité plus souple, pourrait faciliter ce projet.

Une alliance avec Telefonica donnerait immédiatement à l'ensemble une couverture mondiale: France, Espagne, Italie, Pologne, Afrique et Amérique du Sud, et donnerait une envergure européenne semblable à celle du groupe Sky de Rupert Murdoch.

Le temps presse face à Netflix

Pour l'instant, avec Mediaset, Vivendi veut se renforcer non seulement dans la diffusion de contenus, mais aussi dans la production, comme en témoignent ses acquisitions de 25% du groupe Banijay de Stéphane Courbit, mais aussi en Espagne et au Royaume-Uni.

Mais, le temps presse pour btir un poids lourd latin alors que les géants américains de l'internet, Netflix, Youtube, mais aussi Google et Amazon, abolissent les frontières et menacent les groupes de télévision historiques avec leur diffusion " over the top " (OTT), au-delà des canaux de diffusion traditionnels.

" Nous devons soutenir et promouvoir une plateforme de contenus européenne et latine, c'est ce que Vivendi a fait en acquérant Dailymotion ", la deuxième plateforme de diffusion de vidéos derrière Youtube, avait souligné Dominique Delport, membre du conseil de surveillance, s'exprimant cette semaine au MIPTV de Cannes.

" C'est ce que tous les diffuseurs font (...) et nous voulons faire partie de ce marché. C'est important pour l'Europe, la diversité, et pour que l'Europe reste dans la course ", a-t-il souligné.

C'est ainsi que Mediaset et Vivendi ont aussi indiqué vouloir créer une plateforme de streaming qui pourrait faire pièce à Netflix, encore relativement peu implanté en Europe du Sud.

Jérôme Bodin croit que Vivendi a tout à gagner en jouant la carte de l'identité latine. " Dans un environnement à terme entièrement numérique, donc ouvert, il sera décisif pour les groupes de médias de capitaliser sur une identité forte et cohérente. Ceci, afin de se différencier et de s'affirmer vis-à-vis de la concurrence mondiale ", estime-t-il.