Si le rapprochement entre Orange et Bouygues Telecom devrait profiter à leurs concurrents directs en ramenant le marché à trois grands concurrents, les opérateurs mobiles virtuels (MVNO) pourraient également tirer leur épingle du jeu grce à la fin de la guerre des promotions entre les principaux acteurs du marché.
Ces opérateurs, qui ont pour point commun de ne pas disposer de leur propre réseau de télécoms (ils utilisent les infrastructures des quatre grands opérateurs), et sont souvent concentrés sur des niches, tels que les marchés ethniques ou les entreprises, ont été parmi les principales victimes de l'arrivée de Free sur le marché mobile en 2013, et de la guerre des prix qui s'en est suivie.
'Nous avons assisté à une déflation en valeur du marché, de l'ordre de plusieurs milliards d'euros. Cela s'est concrétisé par une très forte baisse des prix du détail alors que cela représentait un axe majeur de différenciation pour certains MVNO', détaille Nicolas Teisseyre, associé principal en charge du secteur technologie, médias et télécommunications chez Roland Berger.
Avec des promotions régulières entre les grands opérateurs, à l'image de la période de Noël qui a vu fleurir les forfaits mobiles à moins de 5 euros, il est difficile pour un opérateur virtuel, aux coûts variables difficiles à amortir, de se différencier sur les prix.
'Personne ne s'est posé la question de la survie des MVNO depuis l'arrivée de Free', regrette David Charles, président de Prixtel, opérateur virtuel créé en 2004. 'Avec la consolidation, on va revenir à la situation de départ avec trois opérateurs sauf qu'entretemps, on aura sacrifié les MVNO', déplore-t-il.
Pourtant, quand viendra l'heure de chercher les grands gagnants à l'éventuel rachat de Bouygues Telecom par Orange, il faudra sans doute jeter un œil du côté des opérateurs virtuels, estime la majorité des spécialistes du secteur.
'Pour les généralistes, les MVNO pourraient profiter, dans un premier temps, d'un report de ventes en leur faveur. Dans un second temps, avec une reprise de l'investissement des gros, cela aura un effet induit positif également, avec une meilleure qualité réseau qui s'appliquera aussi à eux', explique Thomas Coudry, analyste spécialiste des télécoms chez Bryan, Garnier & Co.
'S'il y a moins d'intensité concurrentielle, cela pourrait ouvrir une fenêtre aux MVNO, pour se développer un peu plus, mais cela restera assez marginal dans la mesure où Free restera un acteur majeur du marché dans l'entrée de gamme', nuance pour sa part Sylvain Chevallier, spécialiste des télécoms et associé chez Bearing Point.
Rachats d'actifs en vue
S'il a envie d'y croire, le président de Prixtel reste en revanche prudent, sur l'intérêt réel de l'opération pour les MVNO.
'Certes, un retour à trois sera une bonne chose concernant la guerre des promotions mais il n'y a aucun élément prouvant que, demain, les MVNO pourront animer la concurrence. Il sera important de voir si les conditions imposées pour le mariage seront opérantes en ce qui nous concerne', prévient-il.
Pour certains, l'opportunité pourrait se trouver dans la reprise de certains actifs de Bouygues Telecom, dont Orange serait obligé de se séparer pour faire valider un rachat par l'Autorité de la concurrence.
Entre le réseau, les fréquences ou certaines parties du portefeuille de clients, les opportunités sont réelles pour un MVNO ambitieux, estime ainsi M. Teisseyre.
'Il peut y avoir des MVNO intéressés, qui pourraient ainsi se positionner en tant que gros parmi les petits', analyse-t-il ; 'la plupart des MVNO ne sont pas très puissants financièrement parlant mais, sur le grand public notamment, il y a sans doute un coup à jouer, en reprenant B&You (la marque sans engagement de Bouygues Telecom, NDLR) par exemple'.
Pour les autres, il s'agira de profiter, avant tout, des marges de manœuvre que permettra le retour à trois opérateurs.
'La plupart des MVNO sont sur des marchés de niche ; ils sont moins chers sur des types d'appels particuliers. Si fusion il y a demain, il y aura toujours autant de place, si ce n'est plus, sur ces marchés de niches', conclut ainsi Sylvain Chevallier.