Afin d’explorer les opportunités présentes dans la région de l’Afrique du Nord et de l’Ouest, Telecom Review a interviewé Pierre Chaume, directeur de la région Afrique du Nord et de l’Ouest chez Nokia, qui a expliqué l’impact de l’arrivée de la 4G sur la région ainsi que le soutien apporté par Nokia au domaine des télécommunications et de la technologie.
Quelle lecture faites-vous du marché en Afrique du Nord avec l’arrivée de la 4G dans plusieurs pays ?
Le marché des télécommunications en Afrique du Nord et de l’Ouest est dynamique et se situe à des niveaux de transformation différents selon les pays.
Les lancements de la 4ème génération, la LTE, se sont accentués récemment avec les lancements en fin d’année dernière en Algérie puis en Egypte et la perspective d’un démarrage imminent de la 4G en Libye. En Afrique de l’Ouest, nous remarquons une large vague de modernisation des réseaux mobiles en préparation au lancement de la LTE. Cela étant, il convient de noter que le taux de couverture de la population en haut-débit mobile 4G est faible. Si la part de l’internet mobile haut-débit en 3G et 4G dépassera les 50% de connections d’ici à 2018, la portion liée à la 4G reste relativement basse, de l’ordre de moins de 10%. La principale barrière à cette adoption, en Afrique du Nord et de l’Ouest, reste le coût des smartphones. Je vois beaucoup d’initiatives des opérateurs mobiles pour favoriser cette adoption : commercialisation d’offres de smartphone à relativement bas prix (moins de 50 euros), couplées à des forfaits data bon marché. Ainsi, si aujourd’hui la proportion des smartphones est de l’ordre de 30%, ils représenteront 60% en 2020. La conséquence de ces efforts est une croissance annuelle exponentielle du volume de données circulant sur les réseaux, qui sera de l’ordre de 50% par an au cours des 5 prochaines années.
L’augmentation de la pénétration des smartphones et le taux d’adoption de la data mobile accentuera la pression des revenus de la voix, en particulier à l’international, et parfois au profit des opérateurs OTT. Vous savez qu’en 2016, les OTT ont véhiculé plus de minutes à l’international que tous les opérateurs réunis. La situation est d’autant plus accentuée dans les pays émergents, comme notre région, où le taux d’utilisation des applications OTT pour la voix selon une étude que nous avons menée, se situe autour de 37% (contre 22% dans les pays développés).
Cela a pour conséquence une réorientation de la stratégie des opérateurs vers une meilleure commercialisation de la data tout en étudiant de nouvelles sources de revenus comme l’internet des objets (IoT), les solutions de paiement mobile ou encore la monétisation du Data Analytics.
Le monde connaît quotidiennement l’émergence de nouvelles solutions technologiques. La région de l’Afrique du Nord et de l’Ouest est-elle capable de suivre le rythme rapide de l’évolution technologique ?
Absolument. Si en général ces nouvelles solutions technologiques nous viennent d’abord de marchés matures comme l’Amérique du Nord, le Japon ou la Corée, le besoin et l’adoption de ces nouvelles technologies dans le reste du monde, y compris en Afrique du Nord et de l’Ouest vont suivre. Bien évidemment, il y a un certain nombre de prérequis qui doivent être mis en place pour favoriser l’adoption rapide de ces nouvelles technologies comme par exemple le cadre juridique, le réaménagement du spectre de fréquence ou encore l’attribution de licences. Cela a été le cas pour la 4G où nous avons remarqué un délai d’adoption bien plus rapide que celui de la 3G.
Si nous prenons comme exemple l’IoT, nous avons aujourd’hui des discussions assez avancées avec plusieurs opérateurs mais aussi avec des entités gouvernementales sur un certain nombre de solutions, notamment les villes intelligentes ou « smart cities», la dématérialisation des informations et des fonctions, et leur transfert sur des architectures Cloud. Nous voyons apparaître de nouveaux écosystèmes, avec de nouveaux acteurs y compris locaux. Certains opérateurs télécoms mais aussi ces nouveaux acteurs occupent des premières positions dans les IoT. La Tunisie, pour prendre cet exemple, vient d’adjuger un certain nombre de licences d’exploitation de réseaux IoT qui devraient permettre un développement rapide de l’écosystème local et une multiplication de services de l’Internet des objets (IoT).
Nokia les soutient par son expertise, son conseil et ses solutions technologiques notamment la plate-forme IMPACT et la solution WING. D’ailleurs, j’en profite pour rappeler que Nokia a remporté au Mobile World Congress 2017, le GLOMO Award pour la meilleure innovation IoT pour les réseaux mobiles avec notre solution IoT bout-en-bout : IMPACT, la sécurité Netguard Endpoint, ainsi que les multiples options de connectivité : LPWAN (LTE-M, NB-IoT, EC-GSM-IoT, LoRa).
De même, WING (Nokia Worldwide IoT Network Grid) qui est un service « IoT as a managed service » permettant aux opérateurs un lancement rapide de solutions IoT a remporté, il y a quelques jours, le prix IoT Leadership Award à Londres.
Comment Nokia contribue-t-il à la promotion de la croissance du marché dans la région ?
Je viens de vous décrire la contribution de Nokia dans l’effort de développement de scénarios pour les objets connectés et les villes intelligentes.
Il est aussi important de rappeler la présence de Nokia dans pratiquement tous les pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest. Nokia contribue à cette croissance par la fourniture de solutions innovantes pour les infrastructures télécoms. Nokia déploie ses solutions d’accès mobile single-RAN 2G/3G/4G ou d’accès fixe par la fibre (fttx) et par le cuivre (MSAN, xDSL Vectoring, g.fast) dans pratiquement tous les pays de la région. Elles sont compatibles et favorisent le développement des nouvelles technologies et offres de services pour l’utilisateur final. Par exemple notre solution single RAN LTE peut s’étendre à la connectivité IoT LTE par une simple mise à jour logicielle.
Aux niveaux des architectures Cloud et centre de données, Nokia est très actif dans le déploiement de solutions clés-en-main, non seulement par l’apport de notre technologie et notre savoir-faire, mais aussi par notre capacité à mobiliser des financements. Par ailleurs, dans le cadre de projet G-Cloud (ou Cloud Gouvernementaux), nous fournissons des solutions de développement d’applications connectées au Cloud, afin de permettre à un écosystème de startups locales de se développer. Nous déployons la solution actuellement au Burkina Faso et sommes en discussions avec plusieurs autres gouvernements de l’Afrique de l’Ouest.
Pensez-vous que l’Afrique du Nord est prête à accueillir la 5G ?
En 2016, Nokia a présenté et testé en première mondiale au Mobile World Congress sa solution 5G basée sur des pré-standards. Nokia a lancé sa nouvelle génération de station de base radio prête pour la 5G, Airscale, et prévoit ses premiers déploiements cette année. Nous entretenons des partenariats avec une multitude d’opérateurs pour tester et progresser dans la standardisation finale de la 5G. Aux Jeux Olympiques d’hiver 2018 en Corée, Nokia déploiera sa solution 5G toujours sur la base de pré-standards.
Dans le cas de l’Afrique du Nord, nous pensons que les déploiements des réseaux 5G viendront un peu plus tard. Cependant et en attendant, le marché passera par des étapes intermédiaires en fonction des besoins spécifiques. Aujourd’hui, nous avons lancé notre solution 4,5G pour augmenter le débit, adresser la connectivité des IoT et réduire le temps de latence pour les solutions de sécurité publique. Nous lançons la 4,5G Pro, utilisant du spectre complémentaire (LAA : Licensed Assisted Access) où nous proposons des débits de l’ordre de 1Gb/s. Enfin, nous lancerons sous peu la 4,9G avec l’introduction du Massive-Mimo, dont les Nokia-Bell Labs sont les inventeurs, et du 3D Beamforming, et d’une architecture Cloud-RAN afin d’obtenir des débits de plusieurs Gb/s et des temps de latence extrêmement faible (moins de 10ms).
Le passage à la 5G nécessitera la généralisation de la virtualisation des fonctions sur le Cloud, la préparation d’un réseau de transport performant et complet, la 5G se situant dans des fréquences élevées, les réseaux comporteront beaucoup de petites cellules, et enfin la mise à disposition du spectre correspondant.