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L’agriculture est un secteur économique prépondérant dans les pays en voie de développement. Pourtant, elle peine souvent à assurer la subsistance des agriculteurs : en 2015, 85 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté habitaient des zones rurales. La faible productivité, l’exposition aux aléas climatiques et le difficile accès aux marchés à forte valeur ajoutée sont les principaux freins au développement. En permettant l’accès à des services financiers et non financiers adaptés, le mobile a un rôle-clef à jouer dans le développement rural et agricole. Imaginons le quotidien connecté de l’agriculteur du futur, plus productif, financièrement inclus, intégré dans une chaîne de valeur et respectueux de l’environnement.

Mali, 2030. L’agriculteur  Badra cultive le sorgho dans la région de Sikasso, au sud-est du Mali. Depuis quelques années, il fait partie d’une coopérative agricole. Grâce aux outils numériques et à des partenariats adaptés, il a pu consolider son activité, stabiliser sa production et ses revenus, et entreprendre sereinement de nouveaux projets.

IoT et outils mobiles au service d’une meilleure récolte

En début de campagne, le tracker GPS du tracteur de la coopérative lui indique que l’un de ses voisins vient de le garer dans le hangar partagé. Il réserve immédiatement le tracteur sur son mobile et le montant de cette location est prélevé sur son compte mobile money. Une fois le semis terminé, il surveille la température du sol et le taux d’humidité grâce aux capteurs et senseurs qui couvrent son terrain.

Connectés grâce au réseau LoRa (Long Range ou« longue portée »), les capteurs achetés via sa coopérative ont une durée de vie de 10 ans et consomment très peu d’énergie. Une interface intuitive lui donne accès à des indicateurs essentiels, mais il a également choisi de partager ces données avec la coopérative. De cette manière, le consultant agricole de la coopérative peut anticiper ses besoins et le conseiller au cours de ses tournées hebdomadaires.

Quand le taux d’humidité est trop faible, il s’approvisionne en eau dans  les  citernes partagées de sa coopérative. Les capteurs connectés de la citerne lui permettent à tout moment de consulter la quantité d’eau qu’il peut prélever, calculée en fonction de la taille de son exploitation et du taux de remplissage, afin de garantir l’équité entre les membres.

Pour prélever de l’eau, il scanne le code QR de la citerne qui le reconnaît immédiatement et débloque la quantité d’eau demandée selon un modèle pay-as-you-go qui prend en compte les règles de la coopérative et la capacité de paiement sur son compte de mobile money.

Grâce à son offre mobile dédiée aux agriculteurs, Badra assure la bonne croissance de ses plants. En soumettant une simple photo d’un des plants qu’il croit malade à la communauté d’agriculteurs, il identifie une infection au mildiou et trouve des solutions expérimentées  par d’autres exploitants de la région.

Comme les coopératives de la région travaillent de concert pour répondre aux problèmes les plus fréquents, il accède facilement à une vidéo lui expliquant en sa langue comment traiter ses plans naturellement grâce à une solution peu coûteuse et respectueuse des sols, élaborée à partir de plantes locales. Le traitement est dispersé à basse altitude grâce à un drone guidé par une intelligence artificielle qui détecte les plans infectés et vaporise avec précision.

Qualité et traçabilité pour une rémunération juste des producteurs

Le jour de la récolte du sorgho, la coopérative de Badra se charge de venir récupérer le fruit de son travail. La céréale est pesée sur une balance connectée. Des prélèvements sont également réalisés pour le contrôle de la qualité grâce au laboratoire portable qui envoie les résultats à un expert à Bamako. La production est ensuite emballée. Tous les sacs disposent d’une puce NFC qui garantit la traçabilité et assure les grossistes que la production respecte le cahier des charges du standard de qualité « CODEX STAN 172-1989 » de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Cette certification permet à certains membres de la coopérative d’accéder plus facilement aux marchés à l’export et d’augmenter leurs revenus grâce aux premiums que permet la garantie de qualité. Badra reçoit l’argent sur son compte de mobile money. Il peut à tout instant consulter le cours du prix du sorgho sur les marchés malien et mondial et ainsi vérifier que sa récolte a été vendue au juste prix.

Des services financiers adaptés pour accompagner les agriculteurs

La culture du sorgho est cyclique. En octobre, lorsqu’il a tout vendu, Badra sait qu’il  ne peut s’attendre à  une importante entrée d’argent avant l’année suivante. Pour pallier à ce problème de trésorerie, il a souscrit un produit d’épargne bloquée auprès de son institution financière. L’argent est débloqué tous les mois sur son compte de mobile money, ce qui lui permet de mieux gérer sa trésorerie.

Une petite partie est également épargnée sur un  petit compte  y afférent jusqu’à la prochaine campagne agricole. Grâce à un partenariat entre l’institution financière et un fournisseur agricole, Badra bénéficiera de tarifs négociés sur l’achat de matériels ou d’intrants nécessaires à la production.

Pour s’assurer des revenus récurrents, l’agriculteur met également de côté une partie de sa production qu’il transforme en farine grâce aux moulins à énergie solaire en libre-service de la coopérative.

Il vend par la suite la farine sur une place de marché en ligne en postant une annonce sur l’application « sugufyè ». Il trouve un acheteur facilement et se rend au marché sis à plusieurs heures de voiture avec la certitude de ne pas se déplacer pour rien et d’y rencontrer des acheteurs.

Pour la prochaine campagne, Badra pense acheter une nouvelle parcelle. Grâce à ses revenus dont la stabilité est démontrée par la bonne tenue de son compte de mobile money, il obtiendra un crédit à des taux avantageux. D’autant que la coopérative se portera garante et déduira le remboursement du
paiement des prochaines campagnes.

Afin d’éviter tout problème en cas de mauvaise année, il en profite pour souscrire une assurance récolte pour ses deux parcelles. Les drones de l’assurance cartographieront ses champs et pourront, le cas échéant constater les sinistres en cas de sécheresse ou d’inondation.

Rédigé par Antoine Navarro, consultant manager services financiers mobiles et Ronan Paillon, consultant services financiers mobiles