La concurrence qui s’installe et se renforce entre les banques traditionnelles et opérateurs mobiles, transforme le marché des services financiers mobiles. Disposer d’un réseau de distribution étendu est l’un des enjeux primordiaux dans les pays émergents : l’Agent Banking pour les banques ou la mise en place de nouveaux partenariats de distribution pour les opérateurs télécom sont des exemples de stratégie déployés pour recruter de nouveaux clients. Mais qui aura le dernier mot ?
De nouveaux services de Mobile Money continuent de voir le jour depuis le début de l’année 2018
En Afrique, une forte concurrence oppose les banques traditionnelles et les opérateurs mobiles autour du Mobile Money et du Mobile Banking. Certains grands groupes bancaires internationaux ont jeté l’éponge sur le continent à l’image de la banque Barclays (qui a récemment cédé sa filiale égyptienne à Attijari Wafa Bank) ou Citibank (qui a également vendu sa filiale égyptienne à la banque « Commercial International Bank »), mais d’autres au contraire mobilisent des moyens conséquents pour proposer des offres de services financiers 100% mobiles.
Rien qu’au 1er trimestre 2018, plus d’une dizaine de nouvelles offres ont vu le jour : YUP de la Société Générale ou l’offre issue du partenariat conclu entre l’opérateur mobile Nexttel et la banque UBA Cameroun en zone UEMOA, Straight2Bank issu d’un partenariat entre Airtel et Standard Chartered Bank en Zambie ou l’offre de paiement mobile BPAY au Maroc.
Un des composants stratégiques, qui, dans bien des cas, se différencie des offres de services financiers en Afrique, est le réseau de distribution. Ce point a fait la force des offres des opérateurs mobiles qui ont capitalisé sur leurs partenaires de distribution de crédits téléphoniques et ont conquis des millions de clients en moins de 10 ans sur le continent Africain mais aussi dans d’autres zones du monde. A l’inverse, c’est le point noir des banques traditionnelles.
Les banques déploient l’atout Agent Banking pour conquérir de nouveaux clients
Ces dernières ont beaucoup de mal à atteindre les clients présents sur les marchés émergents et les zones rurales. L’ouverture et l’exploitation de succursales bancaires sont peu ou pas du tout rentables. L’Agent Banking ou la délégation à des agents tiers de certaines fonctions de distribution bancaire est une réponse à cette problématique et permet de couvrir de manière plus diffuse les territoires. Les agents bancaires peuvent être des détaillants, des vendeurs de crédit téléphonique, des réseaux de commerçants… Ils sont plus nombreux et offrent donc plus de proximité avec la clientèle. Les coûts d'infrastructure et de main-d'œuvre sont réduits tandis que les revenus sont augmentés. Le réseau d’agent bancaire repose sur une mutualisation d’agents déjà présents sur le territoire.
Les agents bancaires sont quant à eux gagnants puisqu'ils génèrent des revenus supplémentaires à leurs activités d’origine. Ils peuvent également se différencier des concurrents car ils sont maintenant affiliés à des banques bien connues.
Enfin, les clients non bancarisés et sous-bancarisés ont désormais un accès facile à une institution financière de proximité. En plus de réduire le temps et les frais de déplacement, les frais de transaction sont également moins élevés.
Le modèle de banque d'agents a déjà fait ses preuves dans plusieurs zones dans le monde. La Kenyan Equity Bank a pu devenir rentable en accédant au marché de masse des dépôts via son réseau d'agents bancaires. Ce succès a été rendu possible par la stratégie du gouvernement local d'augmenter le nombre de personnes bancarisées de 30% en 2013 à environ 70% d'ici 2030. Le gouvernement a favorisé le développement de ce modèle en modifiant la loi de finances en 2009 et en permettant aux banques de faire appel à des agents bancaires. Fin 2016, Equity Bank comptait 27 016 agents contre 117 succursales dans le pays.
En République Démocratique du Congo, la Fondation pour l'Assistance Communautaire Internationale (FINCA) a mis en place des agents bancaires pour assurer la sécurité des clients. Ces derniers devant parcourir de longues distances pour se rendre à leurs succursales bancaires respectives, ils risquaient d'être volés et perdaient du temps et de la productivité en raison de ces longs trajets. Le réseau d'agents bancaires mis en place comprend des commerçants locaux et des commerçants qui fournissent des services bancaires de base. En raison du succès enregistré dans ce pays, la FINCA a également introduit la banque d'agents en Tanzanie et en Zambie.
Plus récemment, la Société Générale a capitalisé sur ses précédentes tentatives et propose, depuis septembre 2017, une offre nommée Yupen Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Ghana et au Cameroun et vise le Burkina Faso, le Togo et la Guinée courant 2018. L’objectif est d’ouvrir 1 million de wallets d’ici à 2020, soit doubler le nombre des clients particuliers de la Société Générale en Afrique subsaharienne.
YUP entend se différencier de la concurrence par l’accessibilité de son service. La Société générale a développé des partenariats avec plusieurs réseaux d’agents tiers (stations-service, commerce de distribution, etc.). L’offre est accessible via ses partenaires équipés de terminaux adaptés, ainsi que par le biais de l’application mobile. . La banque vise à mettre en place un réseau de 8 000 agents d’ici 2020.
Pour être un succès, le réseau d’Agent Banking doit être animé de manière efficace. La Banque doit mettre en place et gérer un modèle opérationnel efficace pour soutenir et surveiller les opérations bancaires des agents. Ce modèle doit s’appuyer sur un support de haut niveau du corporate avec un centre de contact centralisé, une supervision d'agence spécialisée avec un ratio superviseur-agent de 1,40 par succursale, une force de frappe marketing et la mise en place de commissions de distribution attrayante pour les agents.
Les opérateurs n’ont pas dit leur dernier mot
Les opérateurs ne sont pas en reste face à toutes ces initiatives. Certains d’entre eux n’hésitent pas à s’associer aux réseaux et solutions de leurs compétiteurs bancaires, comme l’a fait l’opérateur MTN en signant, en avril 2018, un MoU avec la banque Africaine Ecobank.
D’autres ont même pour ambition de devenir des banques ou de racheter des banques. Le groupe Orange a annoncé récemment avoir l’intention de proposer des offres bancaires et a introduit en ce sens auprès de UEMOA une demande de licence bancaire et espère démarrer ses activités dans les 8 pays de la zone d’ici la fin de l’année.
Les opérateurs mobile ont par ailleurs déjà initié plusieurs accords de partenariats pour proposer des offres de micro finance en Afrique Occidentale. Orange a récemment lancé m-kajy, sa première offre de crédit et d’épargne en Afrique, en partenariat avec Première Agence de Microfinance et MTN s’est associé à Bridge Bank pour son offre MomoKash en Côte d’Ivoire.
Enfin, certains acteurs mettent en place des partenariats avec des acteurs du monde digital ou de l’e-commerce pour développer les usages de l’offre de mobile money, tels que Safaricom qui vient de conclure un partenariat avec Paypal, permettant un flux de capitaux entre les comptes Paypal et le wallet M-Pesa de Safaricom. Rendu possible par la plate-forme de la startup TransferTo, ce partenariat doit permettre aux Kenyans de payer ou se faire payer via Paypal.
Rédigé par Vincent Weber, Senior Manager Mobile Financial Services, Sofrecom