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Six mois après le Maroc, la Tunisie se prépare à prendre le virage du très haut débit mobile (4G), un défi majeur pour le développement économique et social des pays du Maghreb, où la connexion par internet, via les réseaux mobiles, est déjà largement développée.

Lundi 1er février, à l'issu d'un appel d'offres, les trois opérateurs du pays, Ooredoo -filiale du groupe qatari éponyme-, l'opérateur historique Tunisie Télécom et Orange Tunisie ont présenté une offre sur les fréquences 4G disponibles.

Une fois que l'attribution sera réalisée, fin février, l'Etat compte sur une mise en service rapide: il espère  que 20% du territoire seront couverts au  courant du second semestre 2016.

'Les obligations de couverture sont très supérieures à ce qui se fait ailleurs sur le continent. Le gouvernement s’attend à ce que 97% du territoire soient couverts d'ici à dix ans, c'est très au-dessus de ce qui a été demandé au Maroc ou au Sénégal, plus proche des standards français ou européens', commente Victor Marçais, analyste au cabinet Kurt Salmon.

Parmi les mesures imposées par le cahier des charges, les opérateurs ont également pour obligation de commencer par les zones du centre du pays, historiquement défavorisées et théâtre, à nouveau, de manifestations,  ces  dernières semaines.

Le défi est de taille dans un pays qui compte 465.000 foyers abonnés à l'ADSL, sur 2,6 millions, mais plus de 6 millions d'abonnés à l'internet mobile pour 11 millions d'habitants. D'autant qu'il s'agit de ne pas non plus prendre du retard face à ses voisins régionaux, notamment le Maroc, où l'attribution des licences 4G remonte à mars 2015.

Dans ce pays, une étude réalisée en 2014 par l'Agence nationale de règlementation des télécoms (ANRT), soulignait ainsi que si un foyer sur deux a accès à internet (50,4%), cela passe très majoritairement par une connexion mobile (45,6%) plutôt que fixe (14,5%).

Près d'un an après l'attribution des fréquences, Meditel revendique une couverture  4G dans une vingtaine de villes alors qu'Inwi en déclare 60 totalement couvertes et 22 partiellement. L'opérateur historique, Maroc Télécom, ne donne pour sa part aucun chiffre.

Couverture haut débit limitée

En Algérie, la situation est un peu différente, l'opérateur historique Algérie Télécom ayant lancé en 2014 une offre LTE (Long Term Evolution), une version boostée de la 3G, en mode fixe, qui  offre un accès internet en haut débit de 100 Mb/s. La  4G mobile devrait faire prochainement son apparition, le lancement étant prévu pour le premier semestre de cette année.

'Pour les Etats, il s'agit de pousser aux usages, d'amener au développement des PME et de créer des écosystèmes, dans le numérique. Le très haut débit vient apporter de l'huile dans beaucoup de rouages et vient faciliter le social, l'économie, les relations entre le citoyen et l'Etat, entre autres', explique Sophie Lubrano, consultante pour le 'think tank' Idate, spécialiste de l'Afrique et du Moyen-Orient.

Mais pour les opérateurs, la difficulté réside dans la fragilité d'un modèle économique, qui fait la part belle aux cartes prépayées face aux abonnements.

'Le taux de pénétration du téléphone mobile est de 133% au Maroc, 130% en Tunisie et 110% en Algérie. Mais pour plus de 60% des clients, il s'agit de cartes prépayées. Les consommateurs sont habitués aux petites cartes prépayées, qui représentent un gain faible pour les opérateurs, et ils sont difficiles à faire migrer vers des abonnements', détaille Mme Lubrano.

Et le développement des usages passe avant tout par l'adoption des technologies de la part des populations plus que de la volonté des gouvernements. L'absence de smartphones compatibles à des tarifs abordables peut en ralentir le développement.

'Au Maroc, la problématique est la disponibilité des terminaux compatibles  4G à des tarifs abordables. Pour l'instant, la pénétration de terminaux 4G reste à des niveaux très faibles. Mais la croissance va s'accélérer avec l'arrivée de terminaux moins chers. On peut s'attendre à un taux d'équipement en smartphones 4G de près de 40% en 2020, au Maghreb', estime Victor Marçais.

'Il ne faut pas oublier, qu'en termes de couverture mobile, sur le continent, les pays du Maghreb et l'Afrique du Sud restent les leaders, même si la couverture très haut débit reste encore assez limitée', conclut Sophie Lubrano.